Vert : Strasbourg Saint-Denis
Courir, courir, courir ! Un papier à récupérer d'urgence à la Mairie, et voilà ma journée désorganisée ! Ça démarrait mal, de toute façon : les plumes vertes (promises hier soir ) n'auraient pas résisté aux intempéries et j'ai donc pris mon look "souris grise" (manteau / foulard passe-partout, chaussures basses ).
La
couleur, des fois, je me dis que ça ne sert à rien dans le métro...
au début, je pensais que les gens ne faisaient pas d'efforts, qu'ils
s'habillaient tous uniformément (blousons noirs, vestes ternes, du gris,
beaucoup de gris, parfois du beige... ). Alors, moi, j'ai voulu lutter :
couleurs éclatantes, inhabituelles, attentions pour être un peu raffinée ...
Et puis, à force d'observer les voyageurs, je me suis aperçue que
beaucoup faisaient comme moi ; pris individuellement, aucun d'entre eux
n'était réellement passe-muraille - des touches de couleur auraient dû
attirer l'oeil - et bien, non ! C'est comme si le métro avalait
toute la lumière ; pourtant, la rame, les stations ont l'air
correctement éclairées : des néons partout, parfois des projecteurs,
des murs recouverts de faïences blanches, des wagons aux couleurs
claires ... et bien, rien n'y fait ; tout a l'air uniformément gris, sale,
triste ; alors, où s'égare donc toute cette lumière ? est-ce qu'elle se
dissout dans les tunnels ? est-ce qu'elle remonte à la surface et nous laisse dans la pénombre ?
Mon retard (oui, rappelez-vous : la
Mairie ... ) a au moins eu du bon : j'ai bien involontairement évité la
grosse affluence matinale (conducteur agressé la veille, perturbations
sur la ligne ). C'est donc bien installée qu'en arrivant à Strasbourg
Saint-Denis (station lugubre s'il en est ), j'ai pu observer l'arrivée
une étrange passagère ...
Cela a commencé par un curieux ballet,
sur le quai : elle était là, énorme, comme posée devant la porte mais
elle ne faisait strictement aucun geste pour l'ouvrir ; même, elle semblait
invectiver une personne à côté d'elle pour l'inciter à activer la
poignée (mission presque impossible, puisqu'elle se trouvait quasiment
contre ).
Une
fois la porte ouverte, elle entre, telle une énorme babouchka, coiffée d'un
chapeau de cuir à la Indiana Jones (larges bords et tresse de cuir -
comme un morceau de fouet ) ; elle disparaît entièrement sous une
longue cape de pluie verte - comme en ont les randonneurs ; sous
la cape on devine un épais manteau de drap bleu noir. Elle semble
bossue, et traîne une petite valise à roulettes et tout un fourbi
réparti dans des sacs plastiques provenant de divers commerces.
Encore une clocharde qui migre, en charriant tous ses biens ... la bosse s'avère être un étui à violon - sans doute joue-t-elle pour faire la manche dans les couloirs du métro ... Occupant largement ses deux strapontins, elle voit que je l'observe à la dérobée et sourit.
Au moment de se lever pour descendre à
HAVRE-CAU, elle rassemble son barda et me fait signe afin que je me
vienne lui ouvrir la porte ; comme je m'approche, elle me dit :
"moi, venir jouer pour soldats morts ... aujourd'hui, demain aussi ...
à Ivry jouer
encore pour soldats morts".
Elle est descendue - qui était-elle ?
une Russe, une Polonaise ? est-elle vraiment venue en France pour commémorer
Verdun ? Ce n'était pas une clocharde ; juste une musicienne, qui
charriait des souvenirs, sa petite valise et son violon.
Si vous voulez la rencontrer, cherchez les commémorations qui se dérouleront demain à Ivry ... elle y sera certainement.
Sinon, rendez-vous à BUZ, à l'heure habituelle - foulard rouge.
Alors, à demain ?